Le soixantième anniversaire de la Mutuelle de l'ARAC.

Publié le par ARAC Essonne

Dans quelques instants, Raphaël Vahé (Président National de l'ARAC) viendra évoquer les 90 années d'existence du droit à réparation depuis la loi du 31 mars 1919 ; mais je voudrais auparavant vous entretenir de l'un des aspects spécifiques de ce droit à réparation :

                 La rente mutualiste ancien combattant et le 60ème anniversaire de la Mutuelle de l'ARAC 

Il est d'ailleurs remarquable qu'en l'espace d'une décennie (1915-1925) soit né un tel élan de solidarité créant non seulement la base, le socle du droit à réparation, mais ses extensions rapides et successives à d'autres secteurs, telle la rente mutualiste ancien combattant.

J'évoquais, il y a quelques instants, les prémisses de la loi sur le droit à réparation en 1915 - 1916 et 1917, époque où parallèlement se créaient :

-         la 1ère école  de rééducation professionnelle à Lyon en 1915

-         l'office national des mutilés et réformés de guerre, en 1916

-         l'office national des pupilles de la Nation, en 1917

-         l'office national du combattant en 1926

-         amenant, par fusions successives en 1933 et 1934, à la création, le 17 juin 1946, de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre, l'ONAC que nous connaissons actuellement,

Un ONAC auquel nous sommes tellement attachés, et pour la pérennité réelle duquel - au-delà de 2012 - nous éprouvons des craintes et affirmons notre vigilante volonté de ne pas le laisser mettre à mal par la trop fameuse Révision Générale des Politiques Publiques.

                                     « Mémoire et Solidarité »  telle est la devise de l'ONAC

 

 La « solidarité » qui - selon le dictionnaire Larousse - est un sentiment  poussant les hommes à s'accorder une aide mutuelle.

 Et le mutualisme qui est - Larousse oblige - le principe d'entraide réciproque à la base des Mutuelles.

 Lesquelles « Sociétés Mutualistes » sont, selon les mêmes sources, des organismes sans but lucratif permettant à leurs adhérents un système d'assurance et de protection sociale.


Et je ne doute pas que c'était à cela même que visaient les Parlementaires de ces années 1920, lorsqu'ils décidèrent de différentes mesures extensives, complétant la loi de 1919, en faveur des anciens combattants et des victimes de guerre, telle

- les campagnes de guerre au bénéfice  de la retraite professionnelle  des anciens combattants fonctionnaires, travailleurs d'Etat et assimilés,

- les emplois réservés et les emplois obligatoires en faveur des mutilés et des pensionnés.

- l'allocation, transformée en retraite du combattant en 1932 puis liée à l'évolution des pensions par le gouvernement du  Front Populaire en 1937.

- Et, naturellement, la loi du 4 août 1923 qui créa le système de rentes mutualistes anciens combattants avec bonification par l'Etat, subvention qui - à l'époque - s'élevait à 30 %.


 Le Mouvement Ancien Combattant  en a retenu le souvenir  sous le nom de « Loi Taurine » car ainsi s'appelait son rapporteur à l'Assemblée Nationale.

Rien à voir donc avec une quelconque arène sanglante où seraient lancés des combattants, ni avec « les Taureaux qui s'ennuient le dimanche quand il s'agit de mourir pour nous » ainsi que le chantait Jacques Brel, lequel se demandait pourquoi « à l'heure où leur tête se penche, ne nous pardonneraient-ils pas en pensant à Waterloo, Oradour et Verdun ? »


 Une loi mutualiste qui, dans l'esprit des législateurs, s'inscrivait de plein pied dans le droit à réparation.

C'est d'ailleurs ce qu'exprimait l'exposé des motifs. Je le cite :

« A l'âge où, d'ordinaire, les hommes ont la possibilité d'économiser pour assurer leurs vieux jours, ceux-ci ont été arrachés à leurs occupations et à leur famille pour défendre le pays. A leur retour, les conditions de vie avaient changées. Leur situation s'était trouvée modifiée et souvent à leur détriment. L'espérance qu'ils pouvaient avoir d'assurer eux-mêmes la sécurité de leurs vieux jours, ils ne l'ont plus à cette heure ».


D'où cette rente mutualiste de substitution en quelque sorte « encourageant  la création de sociétés de retraites parmi les anciens combattants, les veuves, les orphelins et les ascendants des militaires Morts pour la France » et ce « pour qu'elle donne, dans la pratique, tous les résultats attendus ».

Vous remarquerez au passage que les dispositions fiscales assorties à cette loi  les incluent dans le droit à réparation, ce qui n'est pas un détail lorsque des parlementaires parlent aujourd'hui de supprimer ces droits acquis.


 Alors me direz-vous, pourquoi l'ARAC, pourtant tellement attachée à l'existence et à l'amélioration du droit à réparation, ignora-t-elle durant près de 20 ans cette rente mutualiste ancien combattant ?


Sans doute était ce dans l'air du temps,  comme on dit ; surtout si l'on remarque, que aujourd'hui encore, seules deux associations en tant que telles - l'ARAC puis la FNACA - ont créé leur propre société de rentes mutualistes anciens combattants, nos amis de la CARAC et de la France Mutualiste étant des Caisses autonomes, et la SMRAC de la rue de la Chaussée d'Antin à Paris étant indépendante depuis sa création.

 

Une autre raison, fondamentale, était sans doute le caractère militant et engagé d'une ARAC dont les adhérents percevaient  la mémoire et le présent en fonction de leurs actions nationales et internationales pour le droit à réparation certes, mais aussi pour la paix, contre la guerre et contre le fascisme en matière de solidarité entre les peuples.

 

 Leur solidarité de combat, ils la vivaient

 - dans la lutte mutuelle contre la montée du fascisme en Italie, en Allemagne et jusqu'en France en 1933 et 1934.

- dans la lutte  mutuelle contre les décrets frappant les droits des anciens combattants et victimes de guerre en 1934, puis en 1935 par le gouvernement Laval, et encore en 1938 contre les décrets Daladier prélevant 2 % sur les pensions et les retraites du combattant et ramenant de 30 % à 25 % puis à 12,50 % la subvention de l'Etat pour les rentes mutualistes anciens combattants.

 

l Leur solidarité de combat, ils l'exprimaient mutuellement en organisant de grands rassemblements sur les hauts lieux de mémoire, tel celui du 3 juillet 1938 où, à Notre Dame de Lorette, ils étaient 10 000 avec l'ARAC pour un serment de la paix qui déclarait notamment :

 « A l'heure où le fascisme international déchaîne sur le monde l'horreur et l'ignominie de la guerre totale,

Au moment où les femmes et les enfants des peuples d'Espagne et de Chine sont massacrés par milliers et dizaines de milliers,

Après la conquête de l'Ethiopie réalisée par l'emploi des bombes à gaz des pirates fascistes de l'air, après l'annexion de l'Autriche, écrasée sous la botte nazie, et les menaces de plus en plus brutales contre la Tchécoslovaquie,

nous crions aux démocrates du monde entier : faites cesser ces crimes, assez de recul, assez de lâchetés, face aux assassins et aux bourreaux des peuples, aux chefs de bandes de la barbarie fasciste ». 

 

 Pourtant, dans ce contexte difficile, l'idée d'une Mutuelle de l'ARAC avait fait son chemin ; et le débat était amené au Congrès National de l'ARAC de juin 1938 à Bordeaux, lequel adoptait le principe de la création d'une Mutuelle spécifique à l'ARAC.

Juin 1938.... et Munich le 28 septembre 1938...

L'ARAC avait alors un autre souci principal : celui de la guerre aux portes de la France.La guerre  qui est là, le

3 septembre 1939.

Et, dans la foulée, l'ARAC était interdite, dissoute par le gouvernement de l'époque. Ce sera alors la longue et sanglante période d'une ARAC reconstituée clandestinement par des anciens combattants de 14-18, luttant contre l'occupant nazi, et le long martyrologue de ses membres arrêtés, torturés, fusillés, déportés. Une ARAC clandestine et à l'origine de la création d'un Front National des Anciens Combattants pour la libération et l'indépendance de la France, dès 1943.

 

 Et il faudra donc attendre la libération et le congrès national de mai 1948 à Lyon pour que se concrétise avec les survivants et à travers eux :

-  le principe acquis en 1938

- l'assemblée constitutive de la Mutuelle le 24 octobre 1948

- le décret portant sa création officielle le 2 mars 1949,


 Alors l'Assemblée Générale du 17 septembre 1949 mettra en place la première direction nationale de la Mutuelle de l'ARAC, avec pour président d'honneur, Monsieur Labeyrie, ancien gouverneur de la banque de France et un Conseil d'administration  fait d'avocats, de directeurs d'écoles, de comptables, d'employés à la Sécurité Sociale, d'électriciens, de coiffeurs, de cultivateurs, de tout un ensemble de représentants de la solidarité des camps de PG, de déportés, de la solidarité des prisons et des maquis, des combattants de l'intérieur et de la France Libre.


 Première société de rente mutualiste se réclamant d'une association d'anciens combattants et victimes de guerre et créée par elle, la Mutuelle de l'ARAC allait faire le choix de s'allier à ce qu'on appelait alors la Caisse Nationale des Rentes, devenue ensuite la Caisse des Dépôts et Consignations, et aujourd'hui la CNP (Caisse Nationale de Prévoyance).

Pourquoi cette orientation plutôt que l'autonomie ?

Trois raisons au moins qui - aujourd'hui au plan des valeurs solidaires et républicaines - demeurent d'actualité :

- 1/ sécuriser les fonds versés par les mutualistes en les faisant bénéficier de la garantie de l'Etat, lequel demeure l'organisme officiel versant la rente mutualiste au souscripteur.

- 2/ faire en sorte que, durant les années en cours desquelles ces fonds sont recueillis, ils ne dorment pas mais servent à la société. Et la vocation de la CDC à aider les collectivités territoriales par des prêts garantis et à faible taux d'intérêts, a semblé aux créateurs de la Mutuelle de l'ARAC répondre à une démarche de solidarité collective s'inscrivant dans les élans républicains de la libération de la France, et la démarche du programme du Conseil National de la Résistance.

La 3ème raison est plus que jamais d'actualité : c'est la solidarité d'intérêts et de valeurs républicaines entre les anciens combattants et les victimes de guerre et les personnels de la Fonction publique.

Une solidarité qui ne repose pas sur le seul fait que la valeur des pensions de guerre, de la retraite du combattant et des rentes mutualistes dépendent de l'évolution des traitements de la Fonction publique.

Mais aussi parce qu'une partie de ces agents qui travaillent dans le cadre du Secrétariat d'Etat aux anciens combattants, à l'ONAC, à la CDC, à la Défense, etc. sont - en quelque sorte - au service des anciens combattants et des victimes de guerre à travers la mise en œuvre de leurs droits à réparation.

Et leurs luttes nous concernent donc, non seulement quant à l'augmentation de leur pouvoir d'achat (et donc du notre), mais également quant à la préservation de leur outil de travail, de leur conception des missions du service publique, de la notion même de la Fonction publique telle qu'elle est issue du programme du CNR, au service de la Nation.


- L'un des fondateurs de l'ARAC en 1917, Henri Barbusse disait en son temps :

« Tout faire pour unir, ne rien faire pour diviser »

Cette démarche s'impose à nous aujourd'hui plus que jamais, sous peine d'être isolés et rejetés.

D'où notre solidarité avec tous ceux qui sont aux prises avec les effets de la RGPP, qui trouvent naturellement en nous des alliés de fait pour la préservation de l'emploi et des missions qu'ils exercent envers nous.

 Faut-il - comme veulent nous le faire croire des sirènes très officielles - admettre que le droit à réparation c'est fini ? Nous nous y refusons, même si les temps ont certes changé depuis 1949.

Se couler dans ce moule, ce serait donner raison à ceux qui veulent  isoler la Mutualité Combattante du contexte du Mouvement Ancien Combattant.

Loin d'un tel état d'esprit, les 5 Mutuelles nationales anciens combattants se sont rapprochées, et la Mutuelle de l'ARAC est fière d'avoir œuvré à ce rapprochement avec l'aide de l'UFAC.

Elles parlent d'une même voix auprès du gouvernement et des parlementaires, pour exiger le respect des promesses présidentielles et des engagements officiels pris depuis plus de 10 ans envers les mutualistes et encore non complètement tenus.

 

 C'est que loin de devoir disparaître, le rôle solidaire, mutualiste, désintéressé est plus que jamais nécessaire dans l'intérêt même des anciens combattants et des familles de morts pour la France qui peuvent y adhérer. Et ce parce qu'ils sont encore des dizaines, voire des centaines de milliers à n'avoir pas fait valoir ce droit à réparation, sans oublier les combattants actuels des missions et opérations extérieures pour lesquels l'exercice de ce droit ne relève pas d'une vieille lune, mais bien de leur présent au sens où ils le vivent.


 De plus, il n'est pas vrai - comme certains se plaisent à l'affirmer - qu'il faut être un ancien combattant fortuné, un nanti pour se constituer une rente mutualiste.

- En fait, en ces jours où tant de gens cherchent désespérément comment ils vont pouvoir augmenter leurs maigres revenus, comment ils vont pouvoir vivre dignement la fin de leur vie,

- En ces jours où il leur est dit « travaillez plus pour vivre, travaillez jusqu'à 70 ans » alors que le chômage s'accentue,

 

 Le rôle de solidarité, la démarche mutualiste qui est notre est irremplaçable : y compris lorsqu'elle pose au gouvernement la revendication d'élargir le droit mutualiste ancien combattant à tous les ressortissants de l'ONAC, aux veuves d'anciens combattants notamment qui souhaitent y adhérer.

Et il en va de même , lorsque nous demandons depuis plus de 20 ans aux gouvernements successifs, de mettre en place, auprès de chaque  service départemental de l'ONAC, un centre de soins et de réinsertion sociale pour les victimes de psychotraumatismes de guerre - voire même civils puisque rien n'existe de la sorte en France - des centres où travailleraient ensemble à dispenser des soins gratuits, l'ONAC, des professionnels de la santé, des bénévoles anciens combattants, des travailleurs sociaux recevant et aidant ces victimes et leurs familles, en une démarche où nos mutuelles et la mutualité en général trouveraient toute leur place

 

 Alors, mortes les Mutuelles, ringard l'esprit mutualiste et les notions de solidarité ?

 

Certes non. Car plus que jamais, dans un monde déchiré - où la solidarité et la coopération sont en butte au culte de l'individualisme et, à la loi du profit maximum pour une minorité de nantis -la notion de mutualisme revêt une valeur de résistance et s'affirme comme l'un des maillons d'une chaîne de solidarité, de bon vouloir et de bénévolat susceptibles d'aider à construire un monde meilleur.

 La démarche mutualiste de solidarité qui est notre continuera de vivre car elle relève des valeurs républicaines de notre pays, elle fait partie de son patrimoine, s'inscrit dans son histoire et témoigne du passage d'une mémoire au service de l'homme, au service des plus démunis, entre les anciens combattants et victimes de guerre que nous sommes et tous les combattants pour la paix, l'antifascisme, l'antiracisme, la dignité et l'amitié et la coopération entre les hommes et entre les peuples.


Nous vous y invitons à y prendre place et - en tout esprit mutualiste - nous vous remercions de votre appui.

André  FILLERE

Président National

60ème anniversaire de la Mutuelle de l'ARAC

90ème anniversaire de la Charte du Combattant

27 mars 2009 - Hôtel de Ville d'Ivry

Publié dans Mémoire

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M
MOI JE SUIS DE TOUT COEUR AVEC LA MUTUELLE DE L'ARAC ET JE DIT CHAPEAU A NOS AILLEULS BON ANNIVERSAIRE
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